domingo, 27 de febrero de 2011

Des Saoudiens osent occuper le pavé

Par Habib TRABELSI --

PARIS, 1er août 2010 - Des Saoudiens ont déjà brisé le mur de la peur en descendant plusieurs fois dans la rue. D’autres comptent maintenant se rassembler, le 7 août, les uns au «Diwan Al-Mazalem» (ou «Tribunal des abus»), et d’autres encore, carrément devant le palais royal, pour exprimer leur colère dans un pays où tout attroupement non-autorisé sur la place publique était, naguère encore, sévèrement réprimé.

Des «observateurs» dans un tribunal «arbitral»

«Les juristes, les avocats et les défenseurs des droits de l’Homme sont appelés à assister samedi à 09H00 au Diwan Al-Mazalem à Ryad (une instance juridictionnelle spéciale directement rattachée au souverain) à la 7ème audience du procès intenté par le ‘Groupe de défense de cheikh Suleiman Al-Rashoudi’, contre le ministère de l’Intérieur pour la détention arbitraire de cet activiste des droits de l’Homme et ex-juge et avocat», écrivent des activistes de l’«Association des droits de l’Homme et de la société civile en Arabie saoudite» sur le site de cette ONG autoproclamée.

Les quatre activistes -- l’avocat Abdulaziz Mohammed Al-Wahabi, le professeur d’économie politique Mohammad Fahad Al-Qahtani, et les défenseurs des droits de l’Homme Fahd Abdulaziz Al-Orani et Fowzan Mohsen Al-Harbi --, qui ont décliné leurs noms, numéros de portables et adresses électroniques sur le site, affirment que le juge avait accepté que l’audience soit publique et promis de prévoir une salle plus grande qu’auparavant, pour accueillir l’assistance» afin qu'elle s’assure du bon déroulement du procès.

«Plus rien à perdre … le changement est inéluctable»

Interrogé par Saudiwave, Fowzan Al-Harbi a affirmé s’attendre à une assistance nombreuse. «Après, la détérioration de leurs conditions de vie, la montée du chômage, la hausse de l’inflation, la propagation de la corruption et des détournements des deniers publics, les citoyens n’ont plus rien à perdre», a-t-il expliqué.

«Et puis, le peuple commence à se libérer de la peur accumulée durant plusieurs décennies de répression. Les citoyens commencent à organiser des sit-in et des manifestations pour réclamer, par secteurs professionnels, des revendications matérielles. Avec le temps, ils exigeront, en masse, des réformes politiques (…) », a ajouté l’activiste.

«De toute façon, les affaires politiques dans le royaume ne peuvent plus continuer à être gérées avec une mentalité des années 50. Le peuple a mûri. Les décideurs ont pris de l’âge. Les membres de la famiile régnante ont augmenté de nombre et de conflits d’intérêt. Le changement est inéluctable », a conclu le militant … «en bref», assure-t-il.

Une aubaine pour le «Mira»

Cette éventuelle audience publique semble avoir apporté de l’eau au moulin du principal chef de l’opposition saoudienne en exil à Londres, Saad al-Faqih, qui dirige le «Mouvement islamique pour la Réforme en Arabie (MIRA)» et dont les appels réitérés depuis plusieurs décennies à en découdre avec le régime qu’il accuse de tous les maux, ont contribué pour beaucoup au «mûrissement» des Saoudiens.

Faqih a appelé ses partisans, via sa télévision satellitaire «Islah TV», à ne pas manquer le rendez-vous pour soutenir les activistes, auxquels il reprochait d’habitude leurs missives au roi, pour solliciter une enquête sur «les violations systématiques des droits de l’Homme par le ministère de l’Intérieur» ou pour quémander le droit de manifester «d’une manière pacifique et civilisée».

M. Faqih a pris l’habitude de commanditer depuis Londres des rassemblements dans des mosquées à travers le pays pour prier … mais surtout pour «briser le mur de la peur», comme il se plait à le répéter. Selon lui, la mosquée offre aussi l’avantage d’être un espace rassurant et sécurisant pour la contestation.

Une leçon de protestation

Vers la mi-juillet dernier, Faqih avait ainsi appelé les Saoudiens à emboîter le pas aux quelque 400 instituteurs acculés au chômage, après une année d’exercice, sous prétexte qu’ils devaient passer «un test de niveau».

Les instituteurs avaient alors occupé le pavé, devant les portes du ministère de l’Education et de l’Enseignement à Ryad, bravant durant 72 heures un soleil de plomb, dormant sur les trottoirs et à l’ombre des arbres, sans manger et sans boire. Finalement, ils avaient obtenu du ministère une promesse ferme d’une réintégration avec une indemnisation financière à effet rétroactif, avec l’obligation de passer «un test exceptionnel».

«De quoi sauver la face», ont ironisé des lecteurs sur la presse et les forums que avaient consacré une large place à cette «leçon de protestation». D’autres écrivaient que «les droits ne s’octroient pas, mais s’arrachent».

Sit-in au pied du palais royal

Des enseignants de langue arabe de diverses facultés du royaume, se sont donné rendez-vous, le 7 août également, devant le palais royal à Djeddah, pour prier le souverain saoudien d’intervenir pour qu’ils obtiennent les postes promis depuis longtemps.

Apparemment stimulés par «la victoire des instits», ils se disent déterminés à rester sur les lieux jusqu’à ce qu’ils rencontrent le roi pour lui expliquer leurs «souffrances», écrivent les organisateurs dans un communiqué sur leur site.

Apparemment aussi, ils se sont préparés pour ce sit-in, baptisé «le jour du grand rassemblement».

Pour plus de mobilisation, ils avaient longtemps auparavant désignés des coordinateurs dans diverses régions du royaume et dont les noms et les numéros de portables figurent sur le texte avec une photo satellite du palais et une série de conseils et recommandations pour «ne pas susciter du désordre ou quitter prématurément les lieux».

Le roi Abdallah veille

En mars 2009, de jeunes instituteurs au chômage s’étaient rassemblés devant le palais du roi Abdallah, «Al-Yamama», à Ryad, pour réclamer des emplois.

Le souverain saoudien -- que bon nombre de citoyens désignent par «le Roi de l’Humanité», outre son titre de «Serviteur des deux saintes Mosquées» de La Mecque et de Médine -- avait alors fait arrêter son cortège pour écouter leurs doléances. Ils lui avaient remis une lettre.

«Le Serviteur des deux saintes Mosquées avait repris sa route en nous saluant de sa main généreuse», racontait alors l’un des diplômés sur un site internet.

Il ne fait aucun doute, pour nombre d’observateurs, qu’outre la paupérisation d’une large frange de la population et «le prosélytisme révolutionnaire» de l’exilé de Londres, c’est aussi la politique d’ouverture et de dialogue adoptée par le roi Abdallah depuis son accession au trône en 2005 qui a contribué à la lente désintégration de «la culture de la peur» du "tuteur légal" (Wali al-Amr), qui est bien ancrée chez les Saoudiens.

D’autres arguent que l’irruption d’Internet et le développement fulgurant de la blogosphère en Arabie ont également favorisé l’émergence de nombreux groupes de militants du Web qui n’hésitent plus à revendiquer leurs droits -- comme ce fut le cas récemment de médecins du secteur public qui viennent de réclamer, sur leur site, des avantages similaires à leurs confrères du privé --, ou à protester, haut et fort, contre la détérioration de leurs conditions de vie difficiles, ou à se mobiliser ... avant d’occuper le pavé.

Mais, les autorités saoudiennes répètent à l’envi que la loi en vigueur interdit les manifestations qui "suscitent le désordre et perturbent l’ordre public".

Le royaume a toutefois dénoncé vivement «l’agression» contre la flottille, estimant qu’elle «reflète les agissements inhumains d’Israël qui défie ostensiblement le monde entier et le droit international».

http://www.saudiwave.com/

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